Un temps pour mourir

André Masson

Éditions du Typhon 2021

Dans un espace donné, faisant corps à l’exclusion du reste du monde – un plateau isolé-, vit un groupe solidaire de personnages. Des liens les unissent, régis par des règles non écrites, formant un équilibre entre les êtres vivants, hommes, animaux, plantes. Fragile écosystème qu’un cyclone vient ravager, mettant à bas toute construction, dissolvant la communauté, faisant voler en éclats ce qui en faisait la cohésion, dispersant les hommes pour rendre la terre à son état primitif.

Le Père Hildefonce, pasteur de la communauté, nourri de lectures augustiniennes, assiste impuissant aux prémices du cataclysme. Nul doute pour lui : la destruction qui est en marche est la conséquence d’une déchéance morale. C’est une punition divine. La petite communauté a péché, elle s’est éloignée de l’état de pureté. Le mal est en elle, incarné dans le personnage satanique du fossoyeur, appelant la mort et l’anéantissement de ses vœux, comme possédé, rôdant comme la Parque dans l’éden ravagé, désormais ouvert à tous vents. Les personnages, affolés devant la mort possible, se confessent, livrant au prêtre des péchés plus grands encore qu’il ne le soupçonnait. Le mal était dans le fruit. Peu à peu des forces antagonistes se constituent et s’affrontent, sur ce minuscule territoire et dans les consciences, livrant les plus vertueux, les plus pacifiques au doute, à la violence, au désespoir.

Dans ce roman flamboyant et angoissé, touchant au réalisme magique, efficace dans la narration, traversé d’élans lyriques, André Masson le moraliste et le chrétien, le poète, s’interroge sur la permanence du mal, la fragilité des constructions humaines dressées contre lui. Et fait surgir de sa terre natale un monde humain encore préservé de la modernité, à la frontière entre valeurs chrétiennes et panthéistes, sur le point d’être jeté dans le grand monde. Un personnage collectif aux multiples visages dont il fait le portrait en glissant de l’un à l’autre sans en privilégier aucun, maintenant tous les fils ensemble jusqu’à la dernière page, sans juger les individus, ni leurs actes, toujours conduits par des forces qui les dépassent.

Veillant seulement sur eux, assistant impuissant au déroulement implacable des faits, comme tout romancier une fois l’intrigue mise en branle, il ménage cependant un filet d’espoir : l’amour tient bon, celui du prêtre pour sa communauté, par delà la destruction et la mort, et l’amour païen qui soude deux êtres l’un à l’autre, éternel ferment de vie.

Les jeunes éditions marseillaises du Typhon, à suivre.