Les trente-neuf marches

John Buchan – 1915

Editions De Vecchi 2017

Plaisir du roman à langue efficace, entièrement soumise aux tours et détours du récit. On lit comme on galoperait, lâchant la bride à sa monture, goûtant l’air frais de l’Ecosse, traversant ces paysages minutieusement évoqués mais sans lourdeur, sans perdre le rythme. On se laisse emporter, confiant dans l’art du narrateur.

Paysages essentiels. Cette histoire ne pouvait se dérouler que là, dans cette lande rude, aussi belle qu’inhospitalière, sans autre lieu de refuge que des maisons isolées où nichent, dans des conforts parfois sommaires, toujours irrésistibles, des individus frustres ou raffinés. Au premier coup d’oeil – question de vie ou de mort – il faut juger s’ils sont amis, ennemis. Tout livrer ou tout dissimuler.

La version filmée proposée par Alfred Hitchcock en 1935 semble bien fade. Il ne manque pourtant rien de l’action, du rythme, du suspens, dans ce récit pimenté par l’humour du maître. Et la présence de personnages féminins essentiels qui creusent le récit de profondeurs plus intimes.

Il manque dans le film l’odeur, l’herbe, la tourbe, l’humidité, le froid, le paysage à perte de vue, déployé ici, redéployé là, ses ciels changeants où tourne sans relâche l’avion qui vous pourchasse. L’art du romancier se trouve là, dans la description précise, exacte d’un environnement qu’il aime et connaît par cœur, de l’atmosphère qu’il suscite, biotope narratif exploré par le protagoniste comme le joueur dans ces jeux vidéo de plateforme, nouvelle forme d’entrée dans la fiction, qui ne fait qu’actualiser ses éternels ressorts.

Le roman, publié en 1915, porte en lui l’angoisse de son époque, incertitudes, insécurités, désir de se replier dans des havres personnels, désirs de confiance et d’amitié. Mais aussi affirmation d’une identité nationale dont on cherche à éprouver la nature. Et volonté d’en découdre. Un roman inquiet qui résonne curieusement dans les landes effrayantes que nous traversons aujourd’hui à ciel découvert, peuplée de nouveaux ennemis invisibles.

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